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14/06/2018
Des solutions pour réduire les troubles du comportement des personnes ayant un handicap mental sévère
Une recherche conduite par l’association Réseau-Lucioles identifie de nombreuses causes récurrentes des troubles du comportement chez les personnes ayant un handicap mental sévère et partage des recommandations prioritaires à mettre en œuvre pour réduire ces troubles et les prévenir.
L’appellation « handicap mental sévère » désigne les difficultés rencontrées par des personnes, enfants ou adultes, qui n’ont pas accès à la parole, ont une déficience intellectuelle sévère à profonde et un handicap moteur plus ou moins important.
La difficile prise en charge des troubles du comportement
Les personnes ayant un handicap mental sévère présentent très souvent des troubles du comportement qui se manifestent par des actes de violence envers les autres ou envers elles-mêmes, la destruction d’objets ou au contraire le repli sur elles-mêmes, l’exacerbation de stéréotypies…
Ces comportements dérangeants et inadaptés sont difficiles à gérer dans les établissements médico-sociaux et dans les familles. Bien souvent, les solutions proposées sont la prescription de psychotropes sur le long terme sans réévaluation, la mise en sécurité en hôpital psychiatrique, le retour au domicile des parents, la contention physique momentanée ou prolongée... Si ces solutions sont parfois transitoirement nécessaires, elles peuvent conduire les équipes à ne pas rechercher suffisamment l'origine de ces manifestations.
Devant ce constat, l’association Réseau-Lucioles a essayé de trouver des solutions concrètes à partir d’une observation des pratiques de terrain.
- Elle a identifié puis analysé 25 parcours de vie de personnes avec déficience intellectuelle sévère ayant connu une réduction significative de leurs troubles sévères du comportement. Chacun de ces itinéraires a été reconstitué à travers trois entretiens semi-directifs conduits, si possible à chaque fois, avec un référent familial, un référent éducatif et un référent médical.
- Dans un deuxième temps, une analyse croisée du contenu de ces entretiens a conduit à repérer les points communs et les divergences entre ces situations, les causes majeures probables des troubles et les différentes approches ayant permis leur réduction.
- Dans un troisième temps, un groupe d’experts, à partir de l’analyse critique de ces 25 itinéraires reconstitués, a formulé des recommandations prioritaires pour la prise en charge et la prévention des comportements-problèmes.
Les causes des troubles du comportement
Les raisons d’être de ces troubles du comportement sont multiples :
- Des troubles somatiques difficiles à diagnostiquer et à localiser pour des personnes qui n’ont pas accès à la parole ou à un mode de communication explicite.
- Des troubles du sommeil (cause ou conséquence des troubles du comportement ?).
- Le manque de moyens de communication de la personne handicapée pour pouvoir dire, demander, choisir, comprendre, anticiper, éventuellement négocier.
- Une difficulté à vivre les refus, les frustrations, l’attente, les changements, les moments de transition, les séparations (d’avec les parents ou due à l’éloignement de la famille).
- Un manque d’activités voire le manque d’activités adaptées ou d’activités aux goûts du résident ou choisies voire le désœuvrement.
- Une hyper ou hypo sensibilité sensorielle.
Les professionnels et les familles ont souvent mis longtemps avant de comprendre ces causes qui a posteriori font l’unanimité. Ce temps de compréhension collective, la nécessité pour chaque aidant de remettre en cause ses propres pratiques, le fait pour chaque établissement de réinterroger son organisation sont autant d’éléments qui conduisent progressivement à la mise en place de solutions.
Recommandations
Les experts ayant participé à la recherche ont établi une série de recommandations sur les priorités à mettre en oeuvre pour améliorer la prise en charge des comportements-problèmes et les prévenir.
En cas de comportements-problèmes
- Recherchez en premier lieu une cause somatique. La douleur notamment est une des raisons majeures de la manifestation de troubles, particulièrement pour les personnes qui ne peuvent pas s’exprimer clairement.
Pour prévenir et gérer les troubles du comportement
- Mettre en place des aides à la communication adaptées à chaque résident accueilli; celles-ci contribuent grandement à la réduction des troubles du comportement. Elles peuvent permettre à la personne de s’exprimer ou de mieux comprendre son environnement, d’anticiper ce qui va se passer, de lui faciliter l’attente, de mieux anticiper et comprendre les refus qui lui sont opposés, les frustrations, les changements, les séparations…
- Évaluer les compétences et difficultés de chaque résident (cognitives, communicationnelle, socio-émotionnelle, ses caractéristiques cliniques et médicales (ne pas oublier les particularités sensorielles),
- Connaitre ses préférences personnelles et ses besoins fondamentaux.
- Mettre en actes un réel accordage et une co-construction de solutions entre familles et professionnels.
- Chercher à comprendre les causes des éventuels troubles du sommeil avec la famille, le médecin. Des outils existent pour y aider.
- Développer des activités (individuelles et collectives, physiques, éducatives, culturelles, de loisir…) tenues et en accord avec les gouts, le rythme, le choix de chaque résident accueilli et cela à partir d’une évaluation objective.
- Promouvoir dans les établissements des formations à l’approche des « comportements problèmes » ainsi qu’à la mise en œuvre coordonnées d’une éducation structurée.
- Recourir à des intervenants extérieurs (formateurs, coach, équipes mobiles…).
- Remettre en cause très régulièrement les traitements psychotropes mis en place contre les comportements-problèmes dans l’optique de baisse thérapeutique.
- Mettre en place des indicateurs de « santé de l’établissement » par une évaluation annuelle de l’accompagnement par les professionnels et les résidents ou leurs représentants sur la base des thèmes des recommandations prioritaires ci-dessus.
- Développer l’accompagnement du corps : celui-ci est notre média à tous pour l’imprégnation et l’appropriation de tout ce que nous découvrons, apprenons et vivons ; chez la personne handicapée, ce corps est malheureusement peu mobilisé et aurait grand besoin de l’être.
- Mutualiser les expériences entre établissements, entre parents et professionnels sur les difficultés rencontrées et ce que chacun a mis en œuvre avec plus ou moins de succès.
Cette recherche conduite par Réseau-Lucioles a été soutenue par la CNSA.